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Quid d'un acte girondin ?

Lundi 19 Février 2018

​​Communiqué n°263 - Semaine 7



Autant le dire d’emblée, nous n’éprouvons pas une sympathie débordante pour les Girondins de l’histoire. C’était des idéologues inconséquents qui ont tout fait pour mettre en accusation le pauvre Louis XVI et ont, de ce fait, contribué à l’instabilité institutionnelle dont souffre la France depuis 1792 (Cinq Républiques, deux Monarchies, deux Empires, une Autocratie… sans compter les modifications constitutionnelles quasi permanentes…). Leur plus grande erreur fut d’avoir engagé la France dans une guerre révolutionnaire contre le reste de l’Europe, plus ou moins, coalisée, et d’avoir ainsi justifié la concentration des énergies jacobines qui, aux dires de l’avocat royaliste Berryer, sauva la patrie en danger. Ce faisant, ils ont poussé à l’hypercentralisation, le mal français par excellence. Pourtant, à l’origine, ils en avaient vu les inconvénients. Ils voulurent réduire Paris au 1/83e de l’influence que pouvait avoir la Capitale dans le pays (à cette époque, il n’y avait que 83 départements). L’idée était bonne et concevable alors, mais la guerre favorisa la centralisation jacobine, puis napoléonienne, et le résultat est, là, patent : parler de « girondinisme » dans la France aujourd’hui, c’est-à-dire de mettre fin à la concentration des pouvoirs et des moyens de la Capitale, relève de la simple gageure irénique, voire de l’escroquerie intellectuelle, compte tenu du poids de Paris dans tous les domaines.
Rétrospectivement, on imagine mal la hardiesse conceptuelle du Général de Gaulle, proclamant, fin 1968, que :
« l’effort multiséculaire de centralisation de la France (…) devait faire place à une régionalisation du pays ».
Hardiesse dangereuse pour lui puisqu’il perdit le Référendum du 27 avril 1969, hardiesse pleine de promesses si l’on songe au chemin parcouru depuis 1969 jusqu’au 1er janvier 2016 : la Normandie existe à nouveau, elle qui avait disparu en 1790, partagée en cinq départements, ensuite, depuis 1956-1972, en deux demi-régions…
Mais il reste qu’en France l’État est tout-puissant, tenant en laisse les collectivités territoriales par des dotations générales de fonctionnement à géométrie variable et ne cédant que partiellement et progressivement des prérogatives, qui ne sont pas toutes régaliennes…
Alors, l’échec des Girondins de l’histoire est trop évident pour que, pour notre part, nous les absolvions de leurs responsabilités et que nous les prenions comme modèles. Ils ont échoué. Un point, c’est tout. Et sur les décombres de leurs désillusions, il n’y a pas lieu de s’illusionner sur un changement de paradigme institutionnel : en France, l’État est et restera tout-puissant. Lui seul pourra évoluer en se déconcentrant. Au nom de l’efficacité. Lui seul acceptera une décentralisation et une régionalisation. Qui restera tempérée puisque « la République est une et indivisible ».
 
Est-ce à dire qu’il faut être fataliste ? Non ! Au contraire, et le Mouvement Normand, que nous avons eu l’honneur de diriger de 1969 à 2016, est authentiquement régionaliste et lutte, de ce fait, pour un accroissement des pouvoirs dévolus aux Régions dans tous les domaines qui ne relèvent pas du régalien. Parce que « la Normandie est terre de France et entend le demeurer », nous ne remettons pas en cause l’État central lui-même qui, plus que ce qu’il a accordé aux Régions, a abandonné certaines de ses prérogatives régaliennes au bénéfice de l’Union Européenne et de sa Commission de Bruxelles.
 
Jusqu’où peut-on aller dans la dévolution de pouvoirs accordés aux Régions ?
Et, d’abord, qu’entendons-nous par « Région » ?
Mises à part la Corse, à cause de son insularité, et la Normandie, à cause de sa cohérence historique, les autres Régions françaises (hors D.O.M – T.O.M.) sont… bizarres et, certainement, insatisfaisantes. On n’a pas voulu de la cohérence historique pour certaines d’entre elles ou de la cohérence identitaire pour d’autres. Certains assemblages économiques sont douteux et nos gouvernants n’ont pas choisi entre les notions d’équilibre entre les territoires et la subordination à des villes-métropoles supposées dynamiser des ensembles disparates. Nous ne citerons aucun exemple – ce n’est pas le lieu de notre propos – mais nous sommes persuadés que le découpage de 2015 – 2016 ne sera pas pérenne (sauf pour la Normandie, évidemment) et que, par conséquent, la mutation de l’État centralisé en un État décentralisé et régionalisé n’est pas terminée.
 
Monsieur Macron, candidat à la présidence de la République, a, au cours de sa campagne électorale, évoqué un nécessaire « pacte girondin ». Qu’est-ce à dire ?
S‘agissait-il d’une entourloupe destinée à raccrocher autour de sa candidature nombre d’élus locaux (et leurs administrés), las des attitudes et prétentions de l’administration centrale qui, par ses agents diligents (préfets, inspecteurs des finances, trésoriers généraux, experts en tous genres) entend régenter souverainement les gouvernances des collectivités territoriales ?
Le principe de subsidiarité, clef de voûte de toute entreprise de décentralisation, est ignoré, voire subverti par la haute fonction publique. Celle-ci feint de l’admettre comme une dégoulinade des injonctions du sommet vers la base et, il faut bien le dire, elle n’hésite pas à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui, détenteurs d’un pouvoir dévolu par le vote des citoyens, essaient de gérer au plus près les intérêts de leurs mandants. Là, encore, les exemples foisonnent du mépris de la haute administration pour les aspirations des citoyens de base, peu ou mal consultés… pour les affaires qui les concernent au premier chef. Les concertations sont fictives ou manipulées et nous ne comptons plus les dossiers où la précipitation des pouvoirs publics conduit à des impasses du fait de contestations légitimes.
Sincèrement certains – pas nous, reconnaissons-le – ont cru en la volonté du futur chef de l’Exécutif de chercher à desserrer le carcan administratif, qui paralyse les initiatives de la base, individuelle ou collective.
 
Puisque nous nous intéressons principalement à la Normandie, relevons quelques-unes de nos déceptions que nous avons éprouvées – et il n’y a pas que nous ! - depuis l’élection de M. Macron à la Présidence de la République :
  • Aucune évolution dans la gouvernance des Grands Ports maritimes, qui restent d’État, alors qu’à l’évidence leur croissance est freinée par un statut obsolète et la mise à l’écart, au profit d’une techno-structure administrative, de ceux (villes, Région, usagers) qui pourraient insuffler un dynamisme nouveau, à l’instar de la pratique des ports du Northern Range.
  • Remise en cause d’une prérogative accordée aux Régions concernant l’apprentissage, là encore, au profit de l’administration d’État et, pour la circonstance, du patronat par les branches évidemment centralisées.
  • Ponction sur le montant des dotations générales de fonctionnement, qui laisse les collectivités territoriales dans l’expectative et la quasi-impuissance pour mener des ambitions à long terme.
  • Confusion entretenue entre l’administration centraliste des D.R.A.C., aux ordres de la Rue de Valois, et les volontés des collectivités territoriales de mener des politiques culturelles conformes aux spécificités régionales.
  • Décisions souveraines en matière d’infrastructures, qui méconnaissent les intérêts fondamentaux d’une Normandie ÉCARTÉE, ENCLAVÉE, DÉLAISSÉE et, maintenant, HUMILIÉE.
  • Il n’est pas jusqu’à la fameuse clause Molière, par laquelle la Région veut éviter l’emploi de travailleurs détachés, ignorants de la langue française et, de ce fait, placés dans des situations de danger reconnues, que l’État souverain et méprisant entend contrebattre du haut de ses certitudes de bureaux parisiens.
Pour l’instant, donc, le « pacte girondin » préconisé au moment de la brigue électorale par le futur Chef de l’État n’a pas reçu un véritable commencement de réalité.
Là-dessus, dans l’actualité, revient le problème corse récurrent, succédant, dans l’État d’à côté, à la question catalane…
Première remarque : comparaison n’est pas raison, là, plus qu’ailleurs. Les situations de la Normandie, de la Corse et de la Catalogne ne sont pas identiques.
Seconde remarque préalable : il y a une question de sémantique à la base de toute discussion portant sur les rapports entre un État centralisé, qui entre à reculons dans la voie de la déconcentration / décentralisation, et les entités auxquelles il délègue certains pouvoirs.
Certains parlent de « dévolution », d’autres de « self government » - notions qui sont étrangères en France – et, plus fréquemment, d’autonomie, voire d’indépendance (quand ce n’est pas de nationalisme régional), ou encore de fédéralisme – terme généralement réservé à l’organisation européenne -.
La confusion est grande, souvent entretenue par une presse parisienne qui affecte de ne pas en voir les nuances. Elles sont pourtant fondamentales.
 
Pour nous, au Mouvement Normand, l’intention indépendantiste n’est rien moins qu’un jacobinisme au petit pied, avec son cortège de fanatisme et d’exclusivisme et, surtout, le refus de prendre en compte l’histoire dans sa totalité. Nous le disons haut et fort : il faut assumer toute notre histoire. Comment une Région française pourrait-elle oublier les siècles de vie en commun au sein d’une Nation qui ne s’est pas constituée en une seule fois, à un moment donné, mais qui résulte d’une construction lente, quelquefois heurtée, aboutissant cependant à un destin partagé dans les vicissitudes de l’histoire ? Nous n’opposons pas, par exemple, la notion de peuple corse et la notion de peuple français : ce dernier est la résultante d’une association progressive de peuples divers qui, à un moment ou à un autre, se sont fondus dans un ensemble. Le peuple français est composite et riche de toutes les diversités des peuples qui se sont rassemblés en son sein.
Osons l’affirmation : le peuple français serait-il lui-même sans les Corses, les Alsaciens, les Savoyards, les Bretons, les Normands et tous les autres ? L’indépendantisme, qui n’est finalement qu’un séparatisme, est une voie de garage pour des rêveurs romantiques (au mieux) ou incohérents (au pire), car incapables de comprendre un héritage complexe.
Tout autre est l’intention autonomiste. On n’est autonome que dans un ensemble dans lequel on s’intègre, c’est-à-dire qu’on y jouit d’une large délégation de pouvoirs accordée par l’État central, qui confie des prérogatives ne relevant pas d’un domaine régalien relativement réduit (la Défense, la Justice, la Représentation diplomatique, la Paix civile, la Solidarité nationale)…
Tout régionalisme tend donc vers un autonomisme, dans des proportions que le bon sens détermine. De ce fait, la gouvernance régionale peut aller de l’autonomie de gestion des Länder allemands jusqu’au fédéralisme des États américains. Dans le cas français, qui n’est pas fédéral, mais unitaire (cela peut changer), la gouvernance régionale est réduite à quelques prérogatives accordées par le pouvoir central : la marge d’autonomie est relativement faible (nous ne sommes, il est vrai, qu’au début de la régionalisation), mais l’aspiration des Régions à exercer des pouvoirs de plus en plus étendus sera une constante des décennies à venir, quoi qu’en disent les nostalgiques du jacobinisme.
 
À la lumière de ces propos préliminaires, le cas de la Catalogne confine à l’absurdité. On l’a dit, l’Espagne n’est pas la France et, même si, depuis Isabelle la Catholique et Ferdinand d’Aragon, il y a une aspiration au sommet pour un État central fort, il convient de dire LES ESPAGNES plutôt que L’ESPAGNE. Il s’ensuit que la revendication identitaire des Catalans est une constante et que Barcelone a toujours été en compétition avec Madrid. La langue catalane n’est pas la langue castillane et les mentalités des Catalans sont très différentes dans leur approche méditerranéenne des mentalités plus atlantiques des Sévillans ou des Galiciens. Bref, l’unité de l’Espagne n’est pas évidente et, malgré la parenthèse franquiste, la Catalogne a poursuivi avec obstination sa marche vers l’autonomie la plus large. À telle enseigne qu’aujourd’hui, crise ou pas crise, on peut dire que la Catalogne jouit d’un statut d’autonomie qui pourrait faire rêver tous les partisans de la plus extrême décentralisation de la France. Symbole de cette exceptionnelle délégation de pouvoir de la part de l’État central, il existe une police catalane et il s’agit d’un pouvoir régalien partagé entre la Généralitat et l’Etat espagnol, celui de l’ordre public.
Est-il possible d’aller plus loin ? Dans la perspective autonomiste, certainement pas, et la revendication indépendantiste et séparatiste est devenue une occurrence concevable, malgré ou à cause des réticences, souvent maladroites, du pouvoir madrilène. Concevable, mais pas obligatoire, ni unanime. La vérité oblige à dire que le désir séparatiste des Catalans (et encore pas tous !) repose sur un égoïsme : la Catalogne est plus riche que la moyenne des régions espagnoles et les Catalans ne veulent pas partager le gâteau. Il repose aussi sur un malentendu : la notion romantique de « l’Europe des Régions », qui n’a pas de réalité institutionnelle puisque l’Union Européenne ne connaît que les États qui y ont adhéré.
Bref – et nous ne nous étendrons pas, car c’est une affaire qui concerne les Catalans et le reste des Espagnols et nous devons rester de simples observateurs d’une situation d’ailleurs mouvante – l’exemple de la Catalogne n’est pas… exemplaire. Il caricature la notion d’autonomie, méprise toute idée de solidarité nationale et fonde ses espoirs indépendantistes sur une reconnaissance impossible d’une Union Européenne, qui ne peut renier aucun de ses États constitutifs. L’impasse est donc totale.
 
Tout autre est le problème corse.
D’abord à cause de l’insularité de l’Île de Beauté. Il est notoire que toutes les grandes îles de la Méditerranée, dépendantes d’États, jouissent d’un statut d’autonomie. Malte et Chypre, elles, sont indépendantes : elles ne dépendent pas d’États, mais sont d’anciennes possessions anglaises en quelque sorte décolonisées. Encore que, pour le cas de Chypre, aujourd’hui divisée, la tentation est grande de la part de la Turquie de renouveler son autorité sur la population d’origine turque de l’île et, qu’à l’époque des colonels, certains voulurent annexer l’île à la Grèce…
Donc la Corse est une île et, malgré une politique volontariste de continuité territoriale, l’État français a toujours su qu’il fallait adapter les lois de la République en Corse. Toute la question repose sur l’ampleur de ces adaptations.
D’autre part, - et c’est un facteur que l’on passe facilement sous silence aujourd’hui, on se demande pourquoi – il y a plus de Corses sur le continent, voire dans une plus large diaspora qu’en Corse même. On remarquera que l’État central français n’a jamais discriminé les Corses qui, en masse, colonisent largement la fonction publique, au plus haut niveau très souvent. Cela nous rappelle un mot de feu René Tomasini, député de l’Eure, qui aimait à nous dire « qu’il était en coopération en Normandie » ! Et ces Corses de la diaspora, la plus proche ou la plus lointaine, ont gardé, gardent encore, des liens étroits avec l’île d’origine, où ils ont toujours de la famille, voire des résidences ancestrales : leur a-t-on demandé leur avis lors des dernières consultations électorales ? Non ! Puisqu’ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales des localités corses. Sont-ils moins Corses pour autant ?
Le récent voyage de M. le Président de la République – qui était d’abord la commémoration de l’assassinat du Préfet Erignac – a remis en lumière les revendications de la majorité des habitants de la Corse :
  • Reconnaissance du peuple corse
  • Co-officialité de la langue corse
  • Autonomie plus large des instances représentatives de la Corse
  • Amnistie ou rapprochement des « détenus politiques »
Chacun aura remarqué que les questions sociales (la Corse aurait le plus faible PIB par tête d’habitant)) ne sont pas clairement abordées, ni même un programme de développement économique de cette collectivité territoriale…
Reste le dernier point des demandes corses : l’obligation de résidence de cinq ans avant de pouvoir devenir propriétaire sur l’île, qui s’accompagne en outre de la notion de priorité d’embauche pour les Corses dans l’Île de Beauté.
 
Mettons à part le problème de l’amnistie et du rapprochement des détenus : ce ne sont certainement pas les déclarations scandaleuses et provocatrices du nervi Charles Piéri sur Madame Erignac qui incitent l’opinion publique à l’indulgence, mais cela reste une affaire d’État et nous n’avons pas à en délibérer…
Les autres points du catalogue des revendications corses, à l’inverse, méritent réflexion et cette réflexion, nous allons la conduire à partir de notre sensibilité de citoyen de la Région normande.
 
Reconnaissance du peuple corse
Notre réponse sera positive dans la mesure où l’on reconnaît la spécificité du peuple français, résultante des peuples qui ont constitué la nation française. Autrement dit – et nous l’avons toujours énoncé depuis des décennies : les écrits du Mouvement Normand l’attestent – le peuple corse est partie intégrante du peuple français comme le sont les peuples des autres régions de France : ils forment ce que l’on a appelé depuis la Révolution la « Grande Nation » par opposition au constat de Mirabeau selon lequel « la France est un agrégat de peuples désunis ».
S’il y a lieu de modifier la Constitution - on en parle - sans doute faudrait-il prioritairement définir la notion de peuple français, qui n’est pas une masse informelle d’individus, mais la résultante de l’association progressive de populations diverses ayant choisi, à un moment donné de leur histoire, un même destin collectif. Dès lors, sans tomber dans le communautarisme, qui est un enfermement psychologique, la République « une et indivisible » répudierait une uniformisation stérilisante et exalterait la richesse de toutes ses potentialités identitaires au lieu de les nier.
Sans doute se souvient-on qu’une personnalité comme Pierre Joxe a, avant de devenir membre du Conseil Constitutionnel, émis l’idée de reconnaître la notion de « peuple corse »…
 
Co-officialité de la langue corse
Nous ne discutons pas l’article de la Constitution selon lequel le français est la langue officielle de la République. Depuis l’Ordonnance de Villers-Cotterets, sous François 1er, l’État a fait ce choix (pour se détacher du latin comme langue administrative) et, sous la Révolution, on a exclu les parlers régionaux qui étaient, selon l’Abbé Grégoire, les fourriers de la Contre – Révolution… Le temps et l’usage ont fait le reste : le français « académique » est connu et utilisé par la quasi totalité des citoyens, même si de nombreux locuteurs de langues régionales continuent d’échanger entre eux.
Posée en ces termes du « circulez, il n’y a rien à voir ! », la question des langues régionales est d’une brutalité stérilisante, source de conflits et de malentendus qu’il serait facile de désamorcer en énonçant quelques principes :
  1. Toutes les langues sont égales en dignité et ont leur légitimité dès lors qu’elles sont parlées par des populations reconnues.
  2. Il y a lieu de distinguer entre les langues d’usage, qui peuvent être transnationales, et les langues patrimoniales et enracinées.
  3. La République se doit d’avoir une langue officielle, celle de son administration et de sa diplomatie.
  4. Elle doit reconnaître en tant que richesses civilisationnelles les langues patrimoniales et enracinées et, de ce fait, aider à leur promotion et à leur survie par le truchement de l’enseignement et de l’accès aux médias.
  5. Si les Régions veulent davantage, c’est-à-dire une signalétique particulière, un bilinguisme administratif local, il faut, d’une part, qu’elles en aient le droit, d’autre part, qu’elles en assument les frais de fonctionnement et qu’en tout état de cause la compréhension en français soit assurée.
On remarquera que nous n’utilisons pas le terme de « co-officialité » qui nous paraît exagéré, voire exorbitant, et que nous ne demandons pas que la France adopte la Charte européenne sur les langues minoritaires car elle contient des dispositions impossibles à transposer. À l’inverse, nous souhaitons que l’État reconnaisse toutes les langues de France enracinées, qu’elles soient des variantes des langues d’oïl ou d’oc, ou qu’elles soient alloglottes, c’est-à-dire appartenant à des domaines linguistiques différents (flamand, lorrain, alsacien, corse, catalan, basque, breton…). Le cas des langues utilisées dans les D.O.M. - T.O.M. et les collectivités autonomes du Pacifique est à traiter à part, mais elles doivent être prises en compte par l’État.
 
Autonomie plus large de l’Assemblée et de l’Exécutif corses
Ce qui est en cause, c’est la capacité d’adaptation des lois de la République par cette collectivité territoriale et la possibilité pour celle-ci de légiférer dans des limites qu’il reste à définir et qui restent compatibles avec les lois générales de la Républiques       .
Posée en ces termes, cette question ne nous choque pas. Nous observons que, déjà, certaines dispositions des lois sont interprétées d’une manière différente en Corse et sur le continent. Mais nous élargissons la problématique : toutes les Régions devraient avoir cette capacité d’adaptation des lois de la République dès l’instant que cela touche à l’aménagement du territoire et cela doit commencer par le droit d’expérimentation qui, pensons-nous, est permis par les textes.
Quant au pouvoir de légiférer par les assemblées régionales, il doit être clairement borné, notamment par le Conseil Constitutionnel qui, a posteriori, devrait, à intervalles réguliers, juger de la compatibilité d’une loi régionale avec la loi nationale.
D’autre part, l’autonomie régionale ne se conçoit guère sans une modification du système des dotations générales de fonctionnement, essentiel des ressources des collectivités territoriales. La notion d’impôts régionaux, dans ce cas, ne nous effraie pas. Les Conseils régionaux en seraient responsables devant les citoyens et les Chambres régionales des Comptes auraient, comme aujourd’hui, la compétence pour en juger de la bonne gouvernance.
 
L’obligation de résidence pour acquérir un bien immobilier
Cette idée fait, paraît-il, râler les « pinsutes » (modalité corse du horsain) et, indiscutablement, est contraire à la législation française. Mais que fait-on pour lutter contre la spéculation immobilière et la dépossession des autochtones du territoire, sans compter les difficultés de logement des jeunes ménages incapables d’acquérir des biens immobiliers ? Les Corses, en l’occurrence, craignent de ne plus être chez eux. La question ne se pose-t-elle pas dans certains lieux soumis à la pression touristique (Le Touquet, Etretat, Deauville et la Côte fleurie, Granville, Dinard, Perros-Guirec, La Baule, La Rochelle, Arcachon, la Côte d’Azur… etc.). Oui ! La question se pose, même si la formulation de la revendication corse est brutale.
Ne serait-il pas du devoir de l’État de légiférer en l’occurrence ?
Ce qui est en cause dans cette affaire, c’est encore une fois le problème de l’identité menacée d’une collectivité soumise aux pressions spéculatives et à des envahissements intempestifs.
 
« Corsisation » des emplois
Sur ce terrain, nous serons plus circonspects. D’abord parce qu’il y a l’effet boomerang : devrait-on en représailles interdire aux Corses d’accéder à des emplois sur le continent ?
À l’inverse, vouloir que tout fonctionnaire, tout employé en Corse fasse une formation pour se mettre en phase avec une population qui a sa mentalité, ses traditions, son identité (on y revient !)-, voilà qui ne nous choque pas. Nous avons trop connu de ces enseignants, en Normandie, venus d’ailleurs – ils n’avaient pas le choix – qui, à peine arrivés, voulaient déjà repartir, à cause… du climat, de la mentalité si particulière des Normands et de tous les maux dont ils accablaient – devant leurs élèves – la Normandie, ne trouvant jamais grâce à leurs yeux. Il est vrai qu’ils s’en évadaient dès le début des vacances et y revenaient encore plus remontés contre le pays de leur déportation (eh ! oui ! Ce terme a été employé !).
 
Alors quid d’un pacte girondin ?
La balle est dans le camp du Gouvernement qui dispose d’une véritable opportunité pour faire évoluer un système institutionnel de plus en plus inadapté aux exigences de notre époque. Quelles sont-elles ?
La caporalisation de la société ne se justifie plus. Entendons par là que, si les menaces extérieures existent toujours, il n’est plus entendable qu’une hiérarchisation radicale de la population, gérée d’un point central omnipotent soit efficace, notamment avec les moyens modernes de communication et l’invasion des réseaux sociaux (où le pire l’emporte souvent sur le meilleur). Les citoyens sont informés, voire déformés et, de toute manière, ont la possibilité d’exercer leur esprit critique.
De ce fait, une large application d’un vrai principe de subsidiarité est la seule voie acceptable pour les citoyens : régler les problèmes au niveau où ils se font sentir et avec le concours des gens concernés.
Cela doit se traduire, sur le plan institutionnel, par une véritable autonomie de gestion au niveau de la Région. Pourquoi la Région ? Dans la mesure où la Région est cohérente – c’est le cas de la Normandie et de la Corse. Ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs -, elle doit être regardée comme l’échelon idoine, à taille humaine, d’une vraie décentralisation, notamment en matière d’aménagement du territoire. L’État, dont le rôle tutélaire doit être renforcé, particulièrement par un désir de péréquation au nom de la solidarité nationale, doit, à l’inverse, faire confiance aux Régions et leur déléguer le maximum de prérogatives non régaliennes, avec, bien entendu, les moyens financiers afférents. On a parlé – mais ce n’est qu’une hypothèse – d’accorder un ou deux points de TVA sur le montant de cet impôt indirect, qui serait ainsi la ressource principale des Régions. Pourquoi pas ? L’idée de vraiment responsabiliser les Élus régionaux nous séduit.
Mais ce qui nous paraît essentiel de la part de l’État central, c’est de reconnaître le besoin d’identité des populations ancrées dans leur territoire. C’est le meilleur antidote à la dépersonnalisation, corollaire de la mondialisation et, en même temps, la meilleure arme pour l’affronter. Car il nous faut l’affronter, sans regimber devant l’obstacle, et l’État a besoin du soutien de ses citoyens tout comme les citoyens ont besoin de la protection de l’État.
Protection ne veut pas dire infantilisation.

Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand

Pour toute correspondance : 
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La Rédaction