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Esprit de Turgot, es-tu là ?

Jeudi 21 Février 2013





A l’époque où l’on enseignait la véritable histoire de France aux « chères têtes blondes » (expression qu’il va falloir bannir de notre magasin de poncifs convenus), il nous souvient qu’on considérait comme l’une des grandes conquêtes de la Révolution la suppression des douanes intérieures qui avaient tant entravé les échanges et l’on regrettait que Turgot, ministre d’origine normande, n’eût pas réussi à convaincre Louis XVI à mettre fin à tous les freins – surtout financiers – qui limitaient le commerce INTERIEUR du royaume, ruinant en cela un sentiment national fondé sur la solidarité des provinces entre elles…
 
Nous en revenons aux pratiques les plus contestables de l’Ancien Régime par une instauration de plus en plus pernicieuse du système des péages autoroutiers qui plombe les échanges – intérieurs, nous insistons sur ce point – et contribue au renchérissement des denrées et à la marginalisation progressive de certaines portions du territoire que l’on éloigne subrepticement du cœur actif d’un pays excessivement centralisé. L’odieux, en plus, le dispute à l’injuste : toutes les autoroutes ne sont pas traitées avec la même intensité. Les augmentations des péages sont disparates et évoluent (toujours dans le sens d’une amplification) de façon différente, selon des critères obscurs, au gré de l’intérêt des sociétés devenues propriétaires de ces voies de communications essentielles pour l’économie d’un pays.
 
Selon la presse, « la Normandie se place en tête » des augmentations de péages autoroutiers (voir Paris-Normandie en date du 2 février 2013).
Qu’on en juge :
  • A 13 et A 29 + 2,29% (Société SAPN/SANEF)
  • A 28 + 4,26 % pour les véhicules légers, + 4, 18% pour les poids lourds (Société ALIS)
Résultats :
  • Paris – Rouen : 6,20 euros (+ 1, 64 %)
  • Rouen – Caen : 8,90 euros (+ 3, 49%)
  • Paris – Caen : 15,10 euros (+ 2,72%)
C’est tout à fait prohibitif, surtout si l’on considère que l’indice des prix à la consommation n’a augmenté cette année que de 1,69% et, disons-le carrément, c’est un mauvais coup porté à la Normandie, aux Normands dans leur mobilité individuelle, à l’économie normande qui voit ses coûts se renchérir, à tous les utilisateurs (pensons aux touristes !) qui vont y regarder à deux fois avant de circuler sur le réseau autoroutier normand. Bien évidemment, le trafic se reporte sur le réseau routier que les collectivités doivent entretenir et restaurer plus souvent. Les Normands paient ainsi deux fois une pratique néfaste dont la justification économique est rien moins qu’évidente.
 A ce propos, on s’étonne que les Elus soient d’une discrétion de violette à ce sujet : peut-être sont-ils impliqués dans la gestion des sociétés d’autoroutes ? Si tel était le cas, il y aurait un véritable conflit d’intérêts s’ajoutant au cumul des mandats et aux différentes fonctions qu’ils assument ( ?) à la tête des communautés de communes et des différents syndicats d’eau, d’électricité et autres sociétés d’économie mixte.
La S.A.P.N. (filiale de la S.A.N.E.F., nous y reviendrons) prétend justifier ses augmentations de péages dispendieuses par « le support de sa dette de 6,5 milliards d’euros », par ses investissements (50 millions d’euros), notamment… au péage de Dozulé ou sur l’A 88 (Caen – Argentan), dont les tarifs sont proprement exorbitants.
 
Le Mouvement Normand, par deux fois, a ouvert le dossier des autoroutes :
Dans les années 70, en dénonçant la malfaisance des demi-échangeurs. Seule la direction ou la provenance de Paris était prévue, la desserte de la Normandie étant secondarisée. Nous nous souvenons que la direction de la SAPN feignait alors de ne pas comprendre notre revendication normande. Il est à remarquer d’ailleurs que trois décennies plus tard l’échangeur de Bourneville (pour ne citer que celui-là) n’est toujours pas complet et l’on ne peut aller vers Caen à partir de la vallée de la Risle… et, comme l’échangeur de Toutainville est encore dans les limbes, la situation n’a guère évolué. A-t-on calculé le préjudice subi par la zone d’activités de Pont – Audemer ?
Toujours dans les années 70, nous avions remarqué que le sigle S.A.P.N. n’avait plus la même signification. Primitivement Société de l’Autoroute Paris – Normandie, SAPN est devenu Société DES autoroutes Paris – Normandie. Querelle sémantique ? Non ! Véritable entourloupe ! Parce que cela permettait d’allonger les concessions initiales de l’Autoroute Paris – Normandie pour permettre le financement d’autres tronçons autoroutiers. On imagine aisément combien l’investissement de Paris – Rouen, puis de Paris – Caen, a pu être rentabilisé plusieurs fois. Le problème, c’est que la SAPN est tombée sur un os : le financement de l’A 14, autoroute (à péage) doublant l’Autoroute de l’Ouest pour accéder au centre de l’agglomération parisienne.

D’où notre deuxième intervention sur le dossier des autoroutes. Etranglée par les coûts faramineux de la réalisation de l’A 14, la SAPN n’a trouvé d’issue qu’en se faisant racheter par la  S.A.N.E.F. (Société des Autoroutes du Nord et de l’Est de la France), et, ce, avec l’empressement servile de certains milieux économiques locaux et, bien entendu, la bénédiction des élus…
Le Mouvement Normand, à cette époque, avait dénoncé cette opération où, manifestement, des intérêts extérieurs à la région ont pris le contrôle d’une société d’autoroutes qui était jusqu’alors cogérée par des administrateurs liés à la région. La Normandie a été littéralement dépossédée et spoliée dans cette affaire.
 
Certes, le Mouvement Normand a encore protesté lorsqu’un gouvernement, à la recherche éperdue d’un pognon qu’il n’a plus, a vendu les sociétés d’autoroutes à des intérêts privés. C’était, il y a quelques années, et ce que nous avions prévu arrive : le coût des péages augmente… les profits des sociétés privées qui possèdent maintenant nos autoroutes. D’année en année, les péages vont augmenter, sans lien sans doute avec la hausse du prix de la vie. Les Normands sont des moutons que l’on peut tondre.
 
Il faut libérer les autoroutes normandes de l’emprise des intérêts privés et, à terme, progressivement, supprimer les péages. Les collectivités, nationale et régionales, pourraient notamment rentabiliser les emprises autoroutières en les utilisant pour les communications immatérielles et en les ouvrant pour le tracé de la L.N.P.N. par exemple… Nul doute que les sociétés privées qui gèrent si goulûment nos autoroutes y pensent et entrevoient des profits juteux qu’elles vont en retirer. Pourquoi les Normands ne participeraient-ils pas au festin ?
 
Didier PATTE

La Rédaction