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Second tour de l'Élection présidentielle : décomposition et recomposition

Mercredi 17 Mai 2017



Il nous fallait attendre la désignation du Premier ministre du nouveau Président de la République, Emmanuel Macron, pour, au-delà des chiffres du second tour des Élections présidentielles (tout en ayant à l’esprit la répartition des forces politiques émanant du premier tour de cette consultation électorale majeure) essayer de discerner l’état de l’opinion en Normandie en ce printemps 2017… Inutile de préciser que cela n’est pas chose facile car, d’une part, la période électorale n’est pas terminée et les Élections législatives peuvent réserver des surprises (lesquelles ?) et, d’autre part, il ne s’agit que de dresser seulement un constat de l’état d’esprit de l’opinion : il y a des signes profonds de dissociation de la société française et qui ne reposent pas sur une opposition entre ceux qui cultivent une volonté d’optimisme et ceux qui « éprouvent un sentiment d’abandon ». Ces derniers, hélas, sont réellement abandonnés et, rageurs, ont contribué au « dégagisme », dont ont été victimes les partis dits de gouvernement. Et tant qu’il ne sera pas remédié à cet abandon véritable d’une partie de la population, il ne sera pas possible de réunifier une société qui, elle aussi, se décompose.
Paris a voté à 90 % pour M. Macron, le rapport de forces est significativement différent dans une moitié du territoire où la contestation du modèle dominant dépasse 50 % (Vote Le Pen + vote blanc + abstentions)… La fracture territoriale l’emporte sur la fracture sociale, même si souvent les deux fractures tendent à se confondre ou s’ajouter.
Bref, l’on assiste à une décomposition du paysage politique, traduction d’une décomposition de la société française. Mais, comme la nature a horreur du vide, l’on va connaître, c’est pratiquement certain, une recomposition des forces politiques, accentuée par un renouvellement du personnel politique. Bien malin est celui qui entrevoit l’avenir de la vie politique française (sans oublier que le nombrilisme français se heurte aux évolutions de la vie politique européenne et des changements profonds de la vie politique mondiale). Le nouveau Président de la République, Emmanuel Macron, est pour beaucoup une énigme. Il est au pied du mur. Sa meilleure carte est sa victoire incontestable : il est légitime. Comment va-t-il gérer son succès, tout de même assez surprenant ? Wait and see !

SINGULARITÉS NORMANDES

Les cartes sont souvent plus explicites que les longues démonstrations. Ouest-France, en date du 8 mai, a publié les cartes des votes Macron et Le Pen dans les Régions DU Grand Ouest. La Bretagne a voté massivement Macron (75 %), les Pays de la Loire ont aussi placé Macron au-delà de 70 %, tandis que la Normandie dépasse à peine 60 % (61,96 % pour être précis). De plus, si ce vote est relativement uniforme en Bretagne et Pays de la Loire, il est fortement contrasté en Normandie : l’Eure et la Seine-Maritime ayant donné respectivement 45,65 % et 39,59 % à Marine Le Pen. Il se confirme donc que la Normandie est « une région à deux visages » (dixit Paris-Normandie, 8 mai), l’abstention y étant d’ailleurs plus forte, ainsi que les votes blancs. Plus que dans les deux autres Régions du Grand Ouest, la Normandie se distingue par « un vote des villes et un vote des champs ». Des villes comme Rouen, Caen, Evreux, Alençon, Deauville plébiscitent Macron, tandis que Bolbec, Le Tréport votent Le Pen et que Le Havre, Dieppe, Yvetot, même si ces communes placent Emmanuel Macron en tête, connaissent un fort taux d’abstentions et de bulletins nuls ou blancs, masque d’une certaine désapprobation du système politique actuel.

LA LEÇON NORMANDE

Ces différences importantes dans le vote des Régions du Grand Ouest montrent à l’évidence que la Normandie a exprimé un mécontentement réel à l’issue du quinquennat Hollande. Cela ne nous étonne pas : la Normandie a été ÉCARTÉE des sollicitudes gouvernementales, notamment dans le domaine des infrastructures de transport et ceux qui dirigeaient les deux demi-régions de haute et de basse Normandie, de la même écurie politique que le Gouvernement, ont enfumé l’opinion publique normande en cachant qu’ils avaient approuvé le déclassement de la Normandie. D’où la chute du système Fabius, dont les étapes les plus marquantes furent l’échec aux Élections municipales, le désastre aux Élections départementales, la défaite aux Élections régionales et, aujourd’hui, l’effacement du vote Hamon et son transfert vers la contestation Mélenchon. Que se passera-t-il aux Élections législatives pour les candidats du Parti Socialiste ? Certains sortants ne se représentent pas (Duron, Destans), d’autres se raccrochent à une option « En marche »… On peut aussi si la Droite, de son côté, va retrouver ses billes : le macronisme – un terme nouveau qu’il faudra désormais utiliser, même si sa définition est pour l’instant assez nébuleuse – va tenter de s’implanter. Avec quel succès ? Il faut tenir compte de l’implantation des sortants P.S. et L.R. qui se présentent à nouveau. Les personnalités des uns et des autres vont certainement jouer un grand rôle.
Bref, il faut être prudent : les élections à caractère national (Européennes et Présidentielles) sont différentes des élections locales et, quoi qu’en disent les spécialistes du Droit constitutionnel, même si un député est un élu de la nation, il est aussi, dans les faits, un élu local et sa notoriété sur le terrain, voire son bilan, sont essentiels (autant que son étiquette nationale).

UNE PASSATION DE FLAMBEAU TRÈS… NORMANDE

Cela a été remarqué… même par les médias parisiens qui découvrent de temps en temps que la « Province » (le mot honni par André Malraux en son temps), cela existe aussi sous l’appellation quelque peu dédaigneuse « en région »… Aussi, bien que Bernard Cazeneuve qu’Édouard Philippe, les deux Premiers ministres, l’un partant, l’autre arrivant, ont fait assaut de « normannité ». Le premier vantant la sagesse normande, le second, citant Tocqueville, en se disant « violemment modéré », tous deux rappelant qu’ils étaient des Élus de ports sur la Manche. Édouard Philippe concluant – très optimiste, il est vrai – sur le caractère « conquérant » des Normands (est-ce bien le cas aujourd’hui ?). « Un Normand remplace un Normand » résume la presse. Nous ne nous en plaindrons pas, mais il nous faudra du tangible pour que nous nous en réjouissions.
Le tangible, c’est quoi ?

1. Il faut réintroduire la Normandie dans le tour de table des Régions. La Normandie ne doit plus être ÉCARTÉE (nous insistons sur ce terme) comme elle l’a été sous le quinquennat Hollande.
Elle a dansé devant le buffet lorsqu’il s’est agi de répartir les efforts et les investissements pour les infrastructures de transport, à telle enseigne que l’on peut dire aujourd’hui que la Normandie est ENCLAVÉE.
Certes, il ne s’agit pas – par exemple, mais ce n’est pas le seul – de remettre en cause la réalisation du Canal Seine – Nord – Europe, mais il faut que, concomitamment, les dessertes ferroviaires de fret des ports de la Basse Seine soient elles aussi réalisées et que les installations fluviales de la Seine et de l’Oise inférieure soient modernisées.
Ajoutons à cela –élément nouveau à prendre en compte dès maintenant – qu’il devient urgent et crucial de relier les ports normands à la plate-forme multimodale de Metz et, au-delà, à l’extraordinaire projet de la Route Ferroviaire de la Soie reliant la Chine aux rivages de la Mer du Nord et de la Manche. C’est maintenant qu’il faut anticiper pour s’inscrire dans cette nouvelle perspective.
Édouard Philippe a déjà dit ce qu’il fallait penser du Canal Seine – Nord – Europe : il ne sera donc pas nécessaire de lui faire découvrir les dangerosités du projet. Et, donc, de choisir une nouvelle option de développement des infrastructures qui ne négligent pas les intérêts normands. Le pourra-t-il ? Le fera-t-il ? N’insultons pas l’avenir…

2. Il faut relancer l’industrialisation en Normandie. La conjoncture est favorable. Prévisionnistes et statisticiens le disent : la Normandie est avide d’une relance industrielle. Dans les 74 000 demandes d’embauche estimées en Normandie – chiffres récents -, au moins la moitié s’inscrit dans le domaine industriel. Et, pour une fois, la Normandie serait la première Région en France à être dans ce cas.
 Quel pourrait être ce nouveau développement industriel de la Normandie ?
Il y a d’abord celui lié à la Transition énergétique qui s’appuie sur le nucléaire (Eh oui, mesdames et messieurs les Écolos !), sur le devenir chimico-énergétique du raffinage, sur les E.M.R. (Énergies Marines Renouvelables), sur la méthanisation – la Normandie est une grande région agricole -, sur une utilisation plus rationnelle de la ressource forestière.
Il y a ensuite le développement raisonné de la filière agroalimentaire, sans doute placée sous le signe de la plus haute qualité plutôt que celui de la quantité. Un tel développement ne se peut concevoir sans une politique déterminée de conquêtes de nouveaux marchés, tant en France qu’à l’étranger.
Il y a toujours la filière automobile, aéronautique et spatiale, les filières d’excellence comme le flaconnage, la verrerie, la plasturgie et quelques autres…
Il y a enfin les nouvelles start-up, liées aux capacités d’innovation et, par suite, à l’adaptation de la formation initiale et continue.

3. Il faut permettre à la Normandie de se mettre au niveau national en matière de Recherche, d’Enseignement Supérieur et d’Apprentissage, y compris de haut niveau.
À ce propos, on doit déplorer que le goinfre parisien de Saclay cherche à diriger ou absorber un centre comme le GANIL alors que – selon Le Figaro du 3 mai dernier – « L’Université Paris – Saclay se désagrège. Les dissensions entre Écoles et Universités fragilisent ce projet de grand établissement de rang mondial ».
Que pourrait-on attendre encore d’Édouard Philippe (et de M. Macron, évidemment) ?            

4. Nous pensons à une clarification en matière d’aménagement institutionnel du territoire et qui devrait penser – selon nous – par la réaffirmation d’un « chef-de-filat » de la Région par rapport aux départements et aux métropoles… Mais, là, nous pensons rêver. Pourquoi ? Parce que des personnalités comme M. Colomb, maire de Lyon, grand promoteur de la notion de métropole est un proche de M. Macron, parce qu’Édouard Philippe a beaucoup travaillé pour que le Pôle métropolitain de l’Estuaire devienne réalité (nous ne sommes pas contre) et qu’il ne semble pas vouloir l’intégrer dans une grande Métropole normande (Caen – Le Havre – Rouen) qui se placerait sous l’égide de la Région normande, véritable réponse à la fracture territoriale (la Métropole normande faisant le poids en face de la Mégalopole parisienne et les ensembles urbains normands mieux connectés avec leur environnement rural et les villes moyennes).

5. Là où M. Édouard Philippe est le plus attendu, c’est dans l’évolution de la gouvernance de l’Axe Seine. L’un de ses prédécesseurs, M. Valls, en a pris la direction depuis l’Hôtel Matignon (tenant en lisière les Élus normands et en désignant le Préfet Philizot pour mener l’opération). Édouard Philippe saura-t-il libérer l’Axe Seine de la férule technocratique et gouvernementale et redonner aux Normands la maîtrise de la gouvernance de cette colonne vertébrale de la Normandie ? La question vaut d’être posée et, une nouvelle fois, n’insultons pas l’avenir…

Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand

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La Rédaction