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L'embarras du choix ou le choix de l'embarras

Dimanche 4 Juin 2017

​​Communiqué n°254 - Semaine 23



L'embarras du choix ou le choix de l'embarras
« L’embarras du choix », une de ces phrases passe-partout, devenue pratiquement proverbiale, exprime une sorte d’évidence. Son équivalence en allemand, « Wer hat die Wahl, hat die Qual », [« Qui a le choix a l’embarras »], est plus nuancée. D’un côté, l’évidence, de l’autre, la causalité.    
Appliquées aux perspectives des élections législatives faisant suite aux élections présidentielles, il nous apparaît que la causalité de l’embarras du choix l’emporter sur l’évidence.
Pour la première fois sans doute, le Mouvement Normand, qui avait l’habitude d’analyser la situation de toutes les circonscriptions des cinq départements normands, tout en restant prudent sur ses souhaits de voir élire tel ou tel, n’ayant pour seul critère que l’intérêt supérieur de la Normandie et seuls jugements le bilan des sortants et les professions de foi normandes des impétrants, exprime un certain désarroi et doit avouer sa perplexité
Moins que jamais nous devons considérer que les futurs députés sont des super-élus locaux. Certes, la Constitution l’affirme : un député est un élu de la Nation, mais les faits montraient que ce personnage représentait un terroir et ses habitants, qu’il en exprimait les particularités et les sensibilités de « ses » électeurs… Cette année, il n’en est pas de même. Essayons de comprendre pourquoi.

D’abord, et avant tout, bien que cela soit la troisième fois que cela se produise, il y a l’effet du changement de la durée du mandat présidentiel, nous sommes passés du septennat au quinquennat et il y a coïncidence entre la compétition majeure de l’élection du Président de la République et les élections législatives qui suivent et sont ainsi grandement influencées par le résultat de la première consultation électorale. A telle enseigne que l’on accorde dix points de plus aux candidats se réclamant « de la majorité présidentielle » nouvelle, l’électorat jugeant qu’il faut donner les moyens de gouverner au nouvel hôte de l’Élysée. Cela a été le cas en 2012 à la suite de la désignation de François Hollande : il avait trouvé comme cadeau de bienvenue une majorité absolue au Parlement. Le phénomène d’amplification a joué à plein. Le Président était de gauche et l’Assemblée Nationale était dominée par la Gauche…
C’était au temps où l’opinion publique française se divisait entre la Gauche et la Droite et l’on parlait volontiers d’alternance. Un coup, la Gauche, un coup, la Droite.
Les nuances apparaissaient dans les votes dans les circonscriptions en fonction de l’implantation des principaux candidats, de leur charisme personnel, de leur bilan lorsqu’ils étaient sortants. Par là, les considérations locales jouaient encore….

Aujourd’hui, tout est changé.
Une première cause, l’application de la Loi sur le Non-cumul des mandats a conduit nombre de sortants à faire le choix de garder prioritairement leurs mandats locaux lorsqu’ils se trouvent à la tête d’un exécutif de collectivité locale… La deuxième cause est plus circonstancielle : le « dégagisme », qui résulte d’un mécontentement de l’opinion publique à l’égard des partis dit de gouvernement, place en porte-à-faux les candidats du P.S. et de la Droite et du Centre. Le nouveau Président de la République, M. Emmanuel Macron, qui se dit « ni de droite, ni de gauche », a entraîné l’apparition avec les candidats de La République en Marche (L.R.E.M.) de nouvelles têtes, dont on ne sait trop rien, avec, souvent, des profils contradictoires et difficilement classables selon les schémas habituels. Bien entendu, « homines novi », ils ne présentent pas de bilan de mandat (sauf ceux qui ont opportunément quitté les formations desquelles ils étaient les représentants… et qui ne tiennent pas tellement qu’on leur rappelle leurs votes lors de la précédente législature). En disant cela, nous n’émettons pas une quelconque suspicion quant aux capacités des uns ou des autres, mais nous voyons bien que les conditions ont changé, que, quoi qu’il advienne, ils ne s’inscrivent pas dans une continuité avérée. Changement, tel est le mot d’ordre et le saut dans l’inconnu.

Jusqu’à quel point d’ailleurs ?
Il est possible que des sortants qui se représentent conservent l’adhésion de leurs électeurs, surtout s’ils ont fait le boulot. On en trouve autant au P.S. qu’à Droite et au Centre. Résisteront - ils à la poussée du mouvement L.R.E.M. ? Les sondages tendent à penser le contraire, mais on pourrait avoir des surprises et ne pas oublier que le système électoral à deux tours favorise le bipartisme, donc le maintien de la séparation du corps électoral entre la (ou les) Droite(s), et la  (ou les) Gauche(s).
Allons-nous revenir aux vieux tropismes ? De quel côté va pencher la majorité des élus de La République en Marche, surtout si elle parvient à atteindre la majorité absolue des sièges au Parlement ? Tout dépendra de la politique menée par le nouveau Président de la République qui, il faut le constater, tient une telle place éminente dans ses premières démarches présidentielles qu’il en occulte presque complètement la campagne des législatives. A dire la vérité, l’opinion publique est tellement fatiguée par la longueur (et l’insipidité) de la campagne présidentielle (à cause du système nouveau, et déjà, obsolète, des primaires) qu’elle ne se passionne pas pour la campagne des législatives…
Bref, bien malin est celui qui peut dire ce vers quoi le système va évoluer.

Cependant, au-delà de ces incertitudes, les problèmes demeurent.
Au plan national, chacun les connaît. Nous n’y reviendrons pas : ce n’est pas notre vocation et chacun de nous en juge d’après ses convictions, mais ce qui intéresse le Mouvement Normand, c’est l’avenir de la Normandie et, disons-le franchement, nous nous sentons frustrés car les problèmes d’aménagement du territoire, d’une part, les questions institutionnelles régissant les rapports entre l’État et les collectivités territoriales, d’autre part, n’ont guère été abordés pendant les élections présidentielles et, plus grave, elles ne semblent pas préoccuper la campagne des élections législatives.
D’où notre déception.

On dit généralement qu’on a les élus qu’on mérite. Il y a donc lieu de s’interroger sur la volonté des Normands à prendre en mains leur destin. Les Normands sont-ils prêts à assumer une vraie politique normande, exigeant volontarisme, constance, opiniâtreté et sens prospectif ? Y a – t- il en Normandie une ambition de renouer avec le dynamisme qui faisait la grandeur de la Duché, lorsque celle-ci était un ferment dans toute l’Europe (Iles britanniques, Italie du Sud, Espagne de la première Reconquista, principautés latines d’Orient) ? Cette Normandie fondait son dynamisme sur l’ouverture maritime et les capacités d’adaptation des descendants de Vikings. La mer et l’ouverture au monde restent aujourd’hui les conditions incontournables d’un avenir normand. L’actuelle population normande en est-elle consciente ? Jusqu’à quand accepterons-nous que les Grands Ports Maritimes de la Basse Seine restent sous la coupe d’une technocratie plus ou moins jacobine alors que la prospérité des ports du Northern Range procède de l’alliance fructueuse des Villes portuaires, des Régions et des usagers de ces ports qui en assument la gouvernance ? Certes, comparaison n’est pas raison et nous savons bien que l’héritage jacobin place l’État en France comme un partenaire exigeant et quelque peu totalitaire. Mais les faits sont têtus (comme disait Lénine) : les ports qui progressent sont ceux qui ont le soutien actif de leur population, de leurs représentants élus et des armateurs et autres membres de la communauté portuaire. Ce n’est pas le cas, en France comme en Normandie, pas plus que l’État parisien n’a de véritable politique maritime. En face de cela, y a – t-il seulement un « lobby » des Élus des régions maritimes ? Que trouve – t-on à ce sujet dans les professions de foi des candidats à la présente élection législative ?
La Normandie ne se résume pas à sa seule dimension maritime, essentielle et fondatrice : elle a été – elle est toujours – une grande région agricole et, de ce fait, ressent, comme d’autres régions, les aléas de la crise qui touche le secteur secondaire. Il faudrait faire des choix : redevenir la ferme de Paris (se pose alors le problème de la proximité ferroviaire… là, comme ailleurs) ; faire le choix de la qualité, plutôt que de la quantité (se pose alors la question des « niches agricoles » qu’il faudrait aider, le développement des circuits courts, etc.) ; donner en outre une ampleur déterminante à l’agriculture biologique (selon la demande pressante des consommateurs et la mode actuelle pour l’authentique). Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, c’est une affaire de volonté transcendée par une ardente demande du public. La Normandie a des atouts en la matière, mais elle reste faiblarde – on se demande pourquoi – en ce qui concerne la transformation des produits agricoles : le développement de l’agro-industrie et des industries agro-alimentaires devrait être une priorité de nos futurs Élus. Qui, parmi eux, le dit ?    
La Normandie est une grande région énergétique et – encore – industrielle : il faudrait que les électeurs sussent les intentions des candidats en matière énergétique (quid de l’avenir du nucléaire ? Quid de l’avenir du raffinage ? Quid de la transition énergétique ? Quid des énergies renouvelables et, tout particulièrement, des E.M.R. – Énergies Maritimes Renouvelables- ?). Quant à la relance industrielle, elle n’a d’autre impératif que de remplacer tout ce qui a été perdu au cours des dernière décennies, avec le sentiment que la Normandie est l’une des premières régions industrielles de France. Quelles sont les positions des candidats en la matière ?
La Normandie, jadis « pays de sapience », n’est pas une grande région universitaire : Paris a absorbé et absorbe toujours sa substance. La Recherche – consubstantielle au développement universitaire – y est moins dotée qu’ailleurs et nombreux sont les étudiants normands contraints d’aller autre part pour se former. Même dans la formation initiale (primaire et secondaire), la Normandie est mal placée. Ce n’est pas la qualité des membres de l’enseignement qui est en cause, mais la déshérence dans laquelle l’État a mis la Normandie depuis des décennies. Où est le plan de rattrapage que l’opinion publique normande, lorsqu’elle est informée, réclame avec véhémence ? Cela figure – t-il dans les programmes des candidats ?
Les Normands veulent-ils vraiment prendre en mains leur destin ? La question est posée par la gouvernance de l’Axe Seine. L’Axe Seine, c’est d’abord une volonté PARISIENNE de donner, par un accès direct à la mer, un statut de ville-monde à la Capitale, mais l’Axe Seine est aussi la colonne vertébrale de la Normandie (fille de la Mer et du Fleuve). Toute la question est de savoir qui doit en assumer la gouvernance. On sait que les anciens dirigeants des exécutifs des demi-régions haute et basse Normandie, MM. Mayer-Rossignol et Beauvais, ont imprudemment ou fallacieusement approuvé la mainmise par le titulaire de l’Hôtel Matignon sur les destinées de l’Axe Seine. La demande des Normands devrait être, d’une part, la prise en compte non seulement de la Vallée de la Seine, mais aussi de la Baie de Seine dans le projet Axe Seine (ce qui implique en fait TOUTE la Normandie) et, d’autre part, que les responsables normands, les premiers concernés, soient chargés de la direction du Schéma de Développement de la Vallée de la Seine. Voilà un point sur lequel les Normands ne devraient pas transiger : en est-il seulement question dans les programmes des candidats aux élections législatives ?
Ainsi s’aperçoit-on, finalement, que les exigences des électeurs normands, si elles étaient clairement formulées, pourraient être les feuilles de route des députés qu’ils vont désigner. C’est ainsi, d’ailleurs, que les députés de Normandie, avec leurs casquettes d’Élus de la Nation, pourraient utilement orienter la politique du pays car, ne nous y trompons pas, la Normandie « est terre de France et entend le rester » et son rôle immémorial est de rappeler à un État d’esprit centralisateur et continental que la France pourrait, devrait avoir une vocation maritime d’ouverture au monde. En ces temps de Brexit, se souvenir que les Normands constituent le « people between » entre les deux civilisations à prétention universaliste, l’anglo-saxonne (on devrait dire l’anglo-normande) et la française. C’est, là, un héritage sur lequel les candidats à la députation des circonscriptions normandes devraient méditer. En tout cas, le Mouvement Normand saura le rappeler aux futurs Élus.

Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand

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La Rédaction