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Au jeu de trompe-couillon, la Normandie sera-t'elle perdante ?

Dimanche 23 Juillet 2017

​​Communiqué n°256 - Semaine 30



Il ne sert à rien de vitupérer contre les données incontournables de la géographie et la Normandie doit intégrer la réalité prégnante de la proximité de la Capitale. Encore faut-il que les Normands fassent tout ce qu’ils peuvent pour profiter de l’influence parisienne d’une part, pour ne pas accepter une marginalisation ou une subordination venant de la Région Île-de-France, d’autre part.
Et cela commence par la manifestation commune de cohérence de l’ensemble normand face au monstre parisien.
Ce n’est pas le cas dans le cadre du Schéma de Développement de la Vallée de la Seine, dirigé, on le sait, par le Pouvoir central et son représentant nommé par Matignon, le Préfet Philizot, éminent haut fonctionnaire au service de ses maîtres et qui ne peut prétendre être le porte-parole des intérêts normands. Au moment où l’on ressasse pour qui veut l’entendre les bienfaits de la décentralisation et de la participation démocratique des citoyens à la résolution des problèmes qui les concernent, il est singulier de constater que l’une des questions majeures de l’aménagement du territoire reste jalousement entre les mains de l’État central, comme si l’on se méfiait de l’ingérence normande dans les solutions qui les concernent au premier chef.
Ce n’est pas nouveau depuis la querelle des marchands de l’eau opposant les bateliers parisiens aux armateurs rouennais à l’époque du règne de Philippe IV le Bel, on sait où vont les préférences et les prébendes du Pouvoir central… Bref, « nihil novi sub soli », l’État se méfie des Normands et fait en sorte de les tenir en lisière, sous les prétextes les plus contestables. Paris, la Région-Capitale en profitent car ces collectivités pensent, avec juste raison, qu’elles se confondent avec le Gouvernement du pays qu’elles hébergent. Paris n’est pas l’État et l’État n’est pas Paris : tout le monde sait cela, mais depuis le triomphe des Jacobins sur les Girondins, on sait aussi que l’Ile-de-France n’est pas une Région comme les autres et que Paris n’est pas une ville comme les autres cités de l’Hexagone, même lorsque certaines prétendent au titre de métropole. Que sont-elles vraiment ces métropoles face à la mégalopole parisienne ? Les chiffres, ET de la population, ET de la puissance économique, financière et culturelle, sont des évidences qu’on ne peut ignorer… Oui ! Les données de la géographie et de la géopolitique sont incontournables et le déni en la matière serait une folie.
Ceci étant posé, il convient cependant de rester lucides et de ne pas s’abandonner à un fatalisme démobilisateur. La politique du rat crevé au fil de l’eau – fût-ce celle de la Seine – n’est pas dans les gênes du Mouvement Normand et nous entendons faire connaître à nos compatriotes normands les tenants et les aboutissants d’une politique d’aménagement du territoire qui risque à terme de désarticuler la Normandie et de spolier les Normands des atouts géographiques eux aussi incontournables qui sont les siens.


PARIS EST DEMANDEUR

Paris a la prétention tout à fait respectable d’accéder au rang de ville-monde. Il y en a peu sur la planète et chacun s’accorde à dire qu’un tel concept suppose une ouverture sur la mer. Pékin n’est pas très proche de l’Océan, Moscou non plus et ces mégalopoles, qui prétendent au statut de ville- monde, soignent autant que possible les voies d’accès fluviales et ferroviaires leur permettant de s’ouvrir au vaste monde. Paris est dans ce cas et il est normal que la Capitale et la Région-Capitale veuillent atteindre facilement l’élément liquide, en l’occurrence la Manche. Paris, de ce fait, est DEMANDEUR. Demandeur de quoi ? De pouvoir disposer de la bonne volonté normande à faciliter l’ouverture de Paris vers la mer. Cela suppose à tout le moins que l’on tienne compte des intérêts des Normands qui, d’ailleurs, ont tout à gagner à un développement des nouveaux courants d’échanges générés par l’ambition parisienne.


UN AXE SEINE RÉDUCTEUR

Paris veut atteindre la mer. Au plus court. Par la Vallée de la Seine évidemment. Mais, incorrigibles culs-de-plomb d’esprit continental, les Parisiens s’imaginent qu’une fois parvenus à l’estuaire du fleuve, ils ont atteint le graal maritime. La Baie de Seine, ils ne la connaissent que par le bronze-cul deauvillais. Seule la Vallée – un couloir de dix à vingt kilomètres de large – les intéresse. L’hinterland des ports, ils méconnaissent, sauf ce qui permet d’accéder directement à la Capitale. Nous avons déjà comparé cette vision de la Vallée de la Seine par les Parisiens à un torrent dont le cône de déjection serait l’estuaire du fleuve. Dans cette vision, la Vallée de la Seine n’est qu’un LIEN, exploité en tant que tel, tout le contraire d’un LIEU DE VIE s’intégrant dans un ensemble cohérent. On l’a bien vu dans le projet Grumbach, dans lequel cet architecte-urbaniste réussit la gageure de produire un bouquin de présentation sans même citer le nom de Normandie. 
Le Schéma de Développement de la Vallée de la Seine en a à peine pris conscience en associant timidement, très timidement le département du Calvados aux départements séquaniens. Bien entendu, il écarte le département de l’Orne, « non côtier », et cite à peine celui de la Manche, « non concerné par la Vallée de la Seine »… Et c’est ainsi que la Normandie que ces messieurs-dames appelleraient bien volontiers la « Normandie utile » est opposée aux « ploukistans » dépourvus d’attraits économiques aux yeux des parisiens.
Cela, la Normandie, par la voix de ses représentants avant 2016, n’aurait jamais dû l’accepter, pas plus que les dirigeants socialistes des exécutifs des deux demi-régions normandes d’alors n’auraient dû accepter que la gouvernance de l’Axe Seine échappât aux Élus normands au profit de la technostructure gouvernementale.
Dans la même veine, la création du G.I.E. HAROPA, qui, d’après l’acronyme, signifie la coopération des Grands Ports Maritimes du Havre (HA) et de Rouen (RO) et du Port Autonome de Paris (PA), est quelquefois présentée sous le vocable « HARbours Of PAris », ce qui a une autre portée symbolique. Pourquoi se gêner ? Ces ports sont sous tutelle gouvernementale et, tant que leurs statuts ne seront pas modifiés afin qu’ils passent – comme les ports du Northern Range – sous la direction des villes et régions qui les abritent, nous aurons des outils portuaires dont, nous, Normands, nous n’avons pas la maîtrise.
Que la Région Normandie veuille aujourd’hui avoir son mot à dire dans la gestion des ports est une nécessité vitale et évidente… Qui est loin d’être acquis. On peut rêver.
Résumons : la Vallée de la Seine, c’est le Gouvernement qui prétend en avoir la maîtrise, les ports, c’est la tutelle ministérielle qui y fait prime. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une spoliation des principaux atouts maritimes et fluviaux de la Normandie.


MÊME LES PROMESSES NE SONT PAS TENUES

L’Axe Seine, projet lancé durant le quinquennat du Président Sarkozy, a été ÉCARTÉ des préoccupations des Gouvernements du quinquennat du Président Hollande. La Ligne Nouvelle Paris Normandie (L.N.P.N.) reste dans les limbes et on endort l’opinion publique normande en multipliant les études dilatoires. Au mieux, la liaison avec Rouen sera réalisée en 2030, celle avec Le Havre, dix ans plus tard, quant à Cherbourg… Tirons charitablement le rideau ! La ligne de fret – cruciale – par Serqueux-Gisors est parcimonieusement financée par l’État, tandis que la Région Île-de-France est loin de s’empresser pour moderniser ce sillon au-delà de Gisors. L’État a carrément annoncé qu’il ne financerait pas le contournement Est de Rouen (pourtant prévu dans le Schéma de Développement de la Vallée de la Seine). Les Normands, tous les Normands paieront. I l est vrai que ce projet essentiel pour désengorger la région rouennaise ne date que de… 1972. Il n’y a donc pas urgence !
Faut-il parler du Canal Seine-Nord-Europe, dont, aux dernières nouvelles, on en différerait la réalisation ? Le choix en a pourtant été fait par le précédent Gouvernement et ce projet pharaonique devait ou devrait mobiliser la quasi-totalité des Fonds européens, sans que, concomitamment, on fasse le nécessaire pour moderniser la voie d’eau – la Seine et l’Oise inférieure – et réaliser la « chatière » indispensable au Port du Havre pour accéder facilement au fleuve à partir de Port 2000.
Là encore, on constate avec amertume que la Région Île-de-France contribue – en intention tout au moins – au financement du Canal Seine-Nord-Europe sans mettre de l’argent dans la ligne de fret au-delà de Gisors ou dans la modernisation de la Seine. Est-ce ainsi que Paris veut devenir ville-monde ?


LE GADGET AMBIGU DU PROJET « RÉINVENTER LA SEINE »

L’alibi culturel et touristique – regroupé sous le terme générique de « loisirs » – sert souvent à masquer l’impuissance à consentir les investissements lourds de l’aménagement du territoire.
La publication, le 26 juillet dernier dans Paris – Normandie et Ouest-France de la liste des projets retenus pour « Réinventer la Seine » laisse rêveur.
Sur vingt projets retenus, treize concernent Paris et l’Île-de-France et, seulement, sept pour la Normandie.
Il n’est pas question de dénigrer chacun de ces projets, mais de faire un constat : seules les villes sont concernées : Paris, Rouen, Le Havre. Rien n’émane vraiment du département de l’Eure et, bien entendu, le département du Calvados ne semble même pas sollicité. C’est le département des Hauts de Seine qui pilote l’opération. Est-ce la raison qui explique le peu d’enthousiasme des porteurs de projets normands ?
On doit certes déplorer cette timide mobilisation, mais il ne faut pas chercher ailleurs qu’en nous-mêmes ce manque de dynamisme… à moins que ce ne soit un manque de moyens… financiers ou intellectuels.
 
 
LA DECEPTION DE LA MÉTROPOLE ROUEN - SEINE-EURE

Sur les sept projets normands, cinq concernent la ville du Havre, deux seulement la Métropole Rouen-Seine-Eure. (Curieuse dénomination, nous pensions jusqu’alors que la titulature de la seule métropole normande était Métropole de Rouen-Normandie). Que l’on inclut dans les deux projets rouennais celui concernant la base de loisirs du Lac du Mesnil à Poses – ce qui nous a fait dire plus haut qu’il n’y avait pas de projets émanant du département de l’Eure – montre à l’évidence que les milieux rouennais ne se sont pas défoncés pour participer au tour de table. C’est inquiétant. Ce manque d’intérêt s’inscrit dans un contexte débilitant. Le 1er juin dernier, Liberté-Dimanche ne dénonçait-il pas qu’à Rouen « le patrimoine était au régime sec » ? Stigmatisant ainsi l’aberrante décision de la municipalité de n’ouvrir les monuments au public que la moitié des jours de la semaine !
Rouen, chef-lieu de la Normandie, a une prétention métropolitaine usurpée et ne joue pas le rôle de locomotive que les Normands seraient en droit d’attendre de la Capitale historique de la Normandie. La mesquinerie des « édilicules » rouennais n’est plus à démontrer : ils voient petit, hésitant entre la fonction de leader naturel de la Région et la dépendance servile à l’égard de Paris. La ville elle-même est comme noyée au sein de la Métropole et, même si celle-ci atteint le minimum requis des 600 000 habitants, elle ne possède pas tous les atouts des véritables métropoles. Ce constat est dur. Il ne devrait pas être déprimant, mais, au contraire, exaltant. Où est la réflexion stratégique des édiles rouennais sur ce fiasco ? Quand Rouen comprendra-t-elle qu’elle doit jouer la carte normande en s’appuyant sur les pôles métropolitains de l’Estuaire et de Caen-La Mer ? Au lieu de cela, elle espère récupérer les miettes de ce que la Région parisienne voudra bien lui accorder. Espérance vaine : le desserrement du secteur tertiaire parisien s’est tourné vers Le Mans, irait volontiers jusqu’à Mantes, s’enthousiasme des perspectives de développement du quartier d’affaires de la Gare de Rennes… depuis que le T.G.V. met cette ville à une distance-temps d’autant plus comparable à celle de Rouen-Le Havre qu’elle va jouir d’un cadencement et d’une ponctualité que nous aimerions connaître à Rouen. Nous l’avons déjà dit : le jour de l’inauguration de la ligne T.G.V. Paris-Rennes peut être considéré comme un jour de deuil pour la Normandie, plus que jamais ÉCARTÉE, DÉLAISSÉE, MARGINALISÉE… Et les édiles rouennais « de Conrart gardent le silence prudent », comme le dit drôlement le bon fabuliste.


UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE

Si nous avions des responsables politiques prêts à se mobiliser pour sortir du marasme, il faudrait tout d’abord que chacun prît conscience que c’est TOUTE la Normandie qui doit bouger. La Région, en ce domaine, doit exercer un « chef-de-filat », admis par tous, départements et pôles métropolitains compris.
Il faudrait que les Normands retrouvassent la gouvernance de la Vallée de la Seine et des ports de la Basse Seine.
Il faudrait qu’ils se persuadassent de la valeur des atouts qu’ils détiennent (1re région maritime française, principale région énergétique, région encore puissante au plan industriel, région agro-industrielle détentrice de nombreuses A.O.P., I.G.P. et autres labels d’excellence, région à fort potentiel patrimonial et touristique, etc…).
En termes d’attractivité, la Normandie dispose d’un fort capital insuffisamment exploité. Ce pourrait être aussi l’une des interfaces avec le monde britannique qui, en ces temps de Brexit, n’oublie pas son voisinage maritime avec le continent.
Il faudrait surtout que les Normands eussent confiance en eux-mêmes et cessassent d’être à la remorque d’édiles sans envergure et sans projets.


LE "COUP DE PIED DE L’ANNE"…

Si les Normands ne se réveillent pas, ils doivent savoir ce qui les attende. Anne Hidalgo, maire de Paris, vient de montrer le bout de l’oreille ou plutôt révéler son ambition secrète : « Il faut que Paris soit comme une grande région capitale, Rouen et Le Havre constituant la façade maritime qui lui manque ». Autrement dit, Madame le Maire de Paris verrait avec plaisir le dépeçage de la Normandie, condescendant à ce que Rouen et Le Havre fussent placées sous la tutelle parisienne avec un rôle subalterne de faire-valoir d’une Capitale cherchant à tout prix atteindre la côte, même au détriment de la cohérence normande.
Nous ne voulons pas de ce « coup de pied de l’Anne » : que cette dame s’occupe des problèmes de circulation dans sa ville qui, est-ce un hasard ?, se ferme de plus en plus aux ingérences automobiles de sa banlieue et de la province proche… C’est tout dire.

Au jeu de trompe-couillon, la Normandie sera-t'elle perdante ?
Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand

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La Rédaction