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Une démographie normande en berne…

Jeudi 9 Mars 2017

​​Communiqué n°250 - Semaine 11



« I l n’y a de richesses que d’hommes », disait Jean Bodin, l’économiste du XVIe siècle. Ce n’est certes plus le point de vue des adeptes de la décroissance, tels qu’ils se recrutent chez les Khmers Verts, qui veulent appliquer leur doctrine mortifère en Europe sans voir que, sur les autres continents, la démographie explose littéralement. Un dynamisme démographique modéré est, en nos pays, un signe de bonne santé économique, social et culturel. Qu’en est-il d’une baisse constante de la population ? Quelles sont les conséquences d’un accroissement naturel – différence entre naissances et décès + solde positif ou négatif des mobilités de population – lorsqu’il devient déficitaire ?                            
Telles sont les questions que devraient se poser les responsables politiques et ceux qui ont la charge d’aménager le territoire.

L’ÉVIDENCE DES CHIFFRES

D’abord les chiffres.    
« 3 335 645 Normands ! », a titré Paris – Normandie. Soit une (dérisoire) augmentation de + 0,20 % de 2009 à 2014. Département par département, les résultats s’établissent ainsi :
  • Seine – Maritime : 1 257 920 habitants, soit + 0,10 %
  • Eure : 598 347 habitants, soit + 0,50 %    
  • Calvados : 691 070 habitants, soit + 0,30 %
  • Manche : 499 958 habitants, soit + 0,10 %
  • Orne : 287 750 habitants, soit - 0,30 %    
Une analyse plus fine, telle qu’elle apparaît dans la presse locale, tant au mois de janvier que février, montre, pour les villes, des évolutions positives à Sain-Lô (+ 0,70 %), Granville (+ 0,30 %), Yvetot (+ 0,10 %), Pont-Audemer (+ 0,50 %), Bernay (+ 0,30 %), Louviers (+ 0,30 %). Rouen et Fécamp restent stables. Et TOUTES les autres villes normandes connaissent un déclin !
Honfleur perd des habitants… Beuzeville en gagne…

Les stations de la Côte fleurie « vivent les difficultés de toutes les cités balnéaires : la population diminue à cause de la cherté de l’immobilier » (Ouest-France, 3 janvier 2017). À l’inverse, Pont – L’Evêque connaît un accroissement.
Saint-Lô progresse (19 426 habitants), mais est encore loin de retrouver ses chiffres de 1982 (23 212 habitants). Cherbourg masque sa baisse (- 0,60 %) parce que, par les regroupements de communes qui en font Cherbourg en Cotentin, l’ensemble atteint 80 959 habitants (9e ville de l’Ouest). Caen a perdu 3 200 habitants, bien entendu compensés par la croissance de la population périphérique. Même phénomène au Havre où, dans la CODAH, la ville – centre perd des habitants au bénéfice des communes de la Pointe de Caux. C’est dans l’Orne que la chute est la plus significative. Flers perd 1 200 habitants et son agglomération 1 300. Argentan perd 400 habitants, Alençon 1200, Domfront, 200, L’Aigle 10, Gacé, 150, etc.
Dans le Calvados, Lisieux passe sous la barre des 20 000 habitants. Bayeux semble enrayer sa chute depuis 2009. Vire décline toujours un peu plus, mais la commune nouvelle de Vire en Normandie qui regroupe huit anciennes communes connaît aussi une certaine baisse (17 839 habitants, - 0,70 %).        
L’impression est différente dans l’Eure où de nombreuses communes rurales connaissent une certaine progression de leur démographie, ce qui n’est pas le cas de certaines villes (Vernon, Evreux). Il s’agit d’un phénomène local : le desserrement de la région parisienne.
Plus contrastée est la situation en Seine-Maritime : dans la Métropole Rouen-Normandie, nombre de communes péri – urbaines voient leur population augmenter alors que les cités les plus proches de Rouen stagnent ou faiblissent (Bihorel, BoisGuillaume, Bonsecours, Déville, Grand-Quevilly, Grand-Couronne, etc.)
Tout cela est factuel, mais il convient – ce que les Élus n’aiment pas faire – de comparer avec les régions adjacentes. Et, là, le constat est amer : alors que les Pays de la Loire (3 690 659 habitants) connaissent une progression de + 0,81 %, et la Bretagne (3 276 543 habitants) de + 0, 55 %, la Normandie obtient poussivement + 0,21 % ; Dans les départements de l’Ouest, l’écart va grossissant entre les deux départements contigus de la Mayenne (307 350 habitants) et de l’Orne (287 750 habitants) alors que ces collectivités se situaient à la quasi-égalité il y a vingt ans. Une carte des densités de populations cantonales indiquent, mieux qu’un long discours, la véritable dépression démographique du Bocage ornais et manchois.

ENTRE RÉSIGNATION ET DÉNI

Ce qu’il y a d’irritant dans la parution de ces bilans démographiques, c’est que les Élus – on est habitué -, mais aussi la presse, masquent ou minimisent des réalités dérangeantes. La palme en revient – et avouons que nous en sommes surpris – à notre estimé confrère de La Manche Libre, qui a titré (contre l’évidence) « La population augmente : pourquoi la Manche et le Calvados attirent autant ? » (7 janvier). Mais des Élus se contentent de peu ou sombrent dans le déni. Ainsi maire de Coutances, Yves Lamy, qui conteste les chiffres (accablants) de l’INSEE. Coutances est passée de 9 380 habitants en 2009 à 8 789 en 2014… D’autres se rassurent : « Notre ambition est limitée. Il faut être raisonnable, notre but est de nous stabiliser » (Pierre Pavis, maire d’Argentan). Yves Goasdoué, maire de Flers, « espère une accalmie » (- 427 habitants en cinq ans !).

Pourtant, on commence à donner de véritables explications au phénomène inquiétant d’une Normandie autrefois « naisseuse » et qui sombre dans la désespérance démographique, le vieillissement de sa population et – a-t-on encore le droit de le dire ? – dans le remplacement de sa population, comme en témoigne la part de plus en plus importante de naissances d’origine immigrée (Turcs, à Flers, Maghrébins et Sub-Sahariens dans l’Eure)…
Parmi ces explications, relevons la propension constatée des classes moyennes laborieuses chassées des centres – ville. À titre d’exemple, ces propos de Michel Lamarre, maire de Honfleur : « Les maisons de pêcheurs sur plusieurs étages, avec de petites pièces, ne conviennent plus aux familles. Les couples avec enfants veulent un garage, trois chambres : la physionomie historique de la ville, au moins dans son centre, ne le permet pas ». Il aurait pu ajouter le prix de l’immobilier urbain qui décourage l’accession à la propriété des catégories laborieuses. Colette Nouvel – Rousselot, maire de Touques, confirme : « Comme à Deauville, l’immobilier devient sans doute un peu cher pour les locaux »
Ces explications sont en fait superficielles, bien que tout à fait vérifiables. Mais qui parle de l’écrémage systématique de la population normande, jeune, diplômée, dynamique, qui, année après année, est le lot de notre jeunesse contrainte d’aller sous d’autres cieux chercher un avenir professionnel ?                
Particulièrement pertinentes nous semblent les observations d’Anne – Marie Cousin, maire de Torigni sur Vire, qui voit une corrélation entre désenclavement et dynamisme de l’emploi, donc, à terme, élan démographique : « La nouvelle commune de Torigni – Les Villes profite de la proximité de l’Autoroute A 84. Etre un carrefour d’axes routiers permettant de se rendre au travail, à Saint – Lô et dans tout le Calvados, est un argument récurrent dans le choix de l’installation de jeunes couples » (in Ouest – France, 3 janvier). Observation identique à faire à Beuzeville, dans l’(Eure, qui progresse alors que Honfleur, à côté, connaît une baisse relative. Cas contraire pour le Mortainais qui demeure enclavé par rapport au reste du Sud Manche.

L’évolution démographique doit interpeller tous les responsables. Sur le plan national où la politique familiale est mise à mal. Sur le plan régional où la Normandie subit depuis quarante ans les effets du désintérêt gouvernemental pour y mener les investissements qu’il fallait y faire en matière d’infrastructures de communications notamment. Sur le plan local, enfin, où la désertification rurale, d’une part, la gentrification des centres de toutes nos villes, d’autre part, introduisent une certaine désespérance qui se traduit par l’amoindrissement du dynamisme de la population. La natalité n’en est que l’aspect le plus visible et la décroissance naturelle la conséquence la plus évidente.
Il est temps, en Normandie, de changer de logiciel.

Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand

Pour toute correspondance : 
• Didier Patte. 87, rue de la République. 76940 – La Mailleraye sur Seine (Commune nouvelle d’Arelaune en Seine)
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La Rédaction