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Quand l'État déraille, c'est la Normandie que l'on met sur la voie de garage

Jeudi 13 Octobre 2016

​Communiqué n°245 - Semaine 41



L’affaire ALSTOM défraie la chronique. Cette firme, de haute technicité, a envisagé de fermer le site historique de Belfort, contraignant 400 salariés à accepter un transfert sur un autre site alsacien… Le bien-fondé d’un tel projet est discutable. Belfort semble spécialisé dans la construction de motrices et rames T.G.V. et les dirigeants d’ALSTOM jugent que les débouchés en la matière sont restreints. Tout au moins pour le réseau français, les perspectives à l’étranger étant problématiques et soumises à la concurrence d’autres opérateurs. Il faudrait en savoir plus : ALSTOM est-elle concurrentielle ? L’agressivité de ses dirigeants est-elle suffisante pour conquérir des marchés étrangers ? Le modèle économique est-il encore rentable ? Répond-t-il aux besoins de l’évolution du trafic des voyageurs ? Toutes ces questions peuvent se poser et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il faut anticiper les tendances du marché ferroviaire. Cela, c’est affaire de spécialistes et trouver des solutions, c’est le rôle des dirigeants et managers de l’entreprise, des actionnaires aussi du Groupe ALSTOM.
Parmi ces derniers, à 20 %, ce sont des représentants de l’État. À qui fera-t-on croire que l’État a été placé devant un fait accompli lors de l’annonce de la fermeture programmée du site de Belfort ?

Devant le tollé provoqué par cette annonce, le Gouvernement, parce que nous abordons une période électorale, ne veut pas d’un abcès de fixation comme ce fut le cas avec les aciéries de Lorraine et il cherche désespérément à sortir d’un piège qu’il n’a pas voulu voir venir. Les solutions préconisées sont absurdes – telles qu’elles sont présentées - : l’État va commander 15 rames et motrices T.G.V. – dont la SNCF ne voit pas l’utilité présentement – et ces rames devront circuler sur les lignes « intercités » (Trains d’Équilibre du Territoire – T.E.T.). Précision importante (en tout cas, c’est ce que les journaux ont écrit), ces lignes « intercités » seraient situées principalement dans la partie méridionale du réseau ferré français (liaisons Bordeaux – Toulouse – Montpellier – Marseille)…

On remarquera le luxe de précautions que nous prenons en racontant tout cela car c’est sous le signe de l’improvisation que ces options ont été choisies… Iront-elles plus loin que 2017, si un changement politique intervient, ce qui est une hypothèse somme toute envisageable ?
En tout cas, le Gouvernement annonce un investissement de 400 millions d’euros pour maintenir en activité le site de Belfort… Ce qui fait dire à de nombreux commentateurs que la pérennité d’un poste de travail à Belfort coûte à la collectivité un million d’euros. Tant mieux pour Belfort. Tant mieux pour les salariés d’ALSTOM, mais n’est-ce pas un peu cher payé pour sauvegarder non pas des emplois, mais un site au passé prestigieux ? Car, font remarquer les contempteurs de cette curieuse intervention de l’État, il ne s’agit pas de la disparition d’un savoir-faire (puisqu’il y a transfert vers un autre site), à moins que… ce ne soit aussi un abandon par ALSTOM de la filière T.G.V. Tout est possible, encore faudrait-il le dire et mettre cartes sur table.

La question qui se pose maintenant : que vont faire des motrices T.G.V. sur des lignes où elles devront rester à la moitié de leurs capacités ? D’après ce qui est dit, le coût de fonctionnement d’une motrice T.G.V. est de 20 à 30 % supérieur à celle d’une motrice « normale ». Comment va-t-on, dans ces conditions, rentabiliser les lignes « intercités » ?

Cela ressemble fortement à une politique de gribouille.

Et la Normandie dans tout cela ?
Résumons une nouvelle fois :
  • Le réseau ferré normand est obsolète.
  • Le plus grave problème qui se pose, c’est celui du fret en provenance ou à destination des ports de la Basse Seine
  • Le problème le plus voyant – et le plus irritant pour les usagers -, c’est celui de la désespérance du trafic des voyageurs, que ce soit sur les lignes « intercités » (T.E.T.) ou celles des trains express régionaux (T.E.R.) : non fiabilité des horaires, vétusté des matériels, baisse continue du trafic, sauf pour les « navetteurs », ces salariés normands qui vont chaque jour travailler à Paris, insuffisance du personnel de traction, etc… Bref, cela ne marche pas convenablement et cela fait des années que cela dure.
La SNCF en est consciente et Guillaume Pépy, son patron, en a convenu : « Elle a des dettes envers les Normands ».
La Région veut audacieusement prendre les choses en mains, y compris pour les lignes « intercités » et l’État a promis, avec 720 millions d’euros d’investissements programmés, d’améliorer régularité, fréquence et fiabilité du matériel roulant.
Quant à la Ligne Nouvelle Paris – Normandie (L.N.P.N.), quoi qu’en disent les uns ou les autres, elle ne sera pas réalisée tout de suite (2030 – 2040 – 2050 ?). Tout au plus, on peut attendre une amélioration dans le Mantois, avec le prolongement de la ligne R.E.R. Eole, qui pourrait (nous employons le conditionnel) libérer des sillons et permettre ainsi un meilleur accès à la Gare Saint – Lazare aux trains « intercités » en provenance du Havre et de Cherbourg…

Mais il n’y a pas le pognon pour faire la suite !
Le Gouvernement a fait d’autres choix : ligne T.G.V. Le Mans – Rennes, achèvement de la ligne T.G.V. Paris – Strasbourg, liaison Lyon – Turin, T.G.V. du Sud – Ouest, etc. Et puis, de plus en plus de voix s’élèvent pour contester la création de lignes à grande vitesse et font semblent de confondre L.G.V. (ligne à grande vitesse) et Ligne nouvelle.
Car le problème normand est là.

Les spécialistes – Guillaume Pépy en tête – ont dit que le réseau normand actuel (qui date du XIXe siècle) était inadapté et qu’il fallait une ligne nouvelle ou, à tout le moins, des portions totalement renouvelées… Tout de suite, les médiocres se sont engouffrés dans la perspective d’une simple rénovation du réseau actuel, c’est-à-dire dans le seul apurement de la dette SNCF à l’égard de la Normandie, en faisant les travaux de modernisation des qui eussent dû être réalisés depuis des décennies. Ce ne sera pas suffisant, notamment pour le trafic de fret (Ce n’est pas Serqueux – Gisors qui permettra d’absorber le trafic de fret des ports de la Basse – Seine).
Autrement dit, le trafic ferroviaire de la Normandie va rester inadapté… et pour longtemps !

La Normandie n’a pas été concernée par la révolution (coûteuse) des T.G.V. : les distances ne le permettent pas, mais elle a été sacrifiée par la SNCF pour permettre la réalisation des lignes T.G.V. ailleurs.
La Normandie passe devant la glace pour les Lignes Nouvelles, car il n’y a plus d’argent.
Voilà, comme dirait l’autre, pourquoi votre fille est muette.

Quelles pourraient être les perspectives si l’on prenait vraiment en compte les intérêts des Normands et de la Normandie ?
Ouvrons quelques pistes :
  1. L’impératif premier est le désenclavement ferroviaire des ports de la Basse Seine. Donc redonner au fret ferroviaire le rôle essentiel qu’il n’aurait jamais dû perdre. Sinon, c’est la stagnation de nos ports ou la thrombose de notre réseau routier.
  2. Fixer un objectif raisonnable d’une Moyenne Grande Vitesse (250 km/h), compatible avec les moyennes distances du réseau normand.
Cela passe par la création rapide de la Ligne Nouvelle, au moins jusqu’au « Y » (du côté de Louviers) qui verrait le courant vers Rouen et Le Havre diverger du flux à destination de Caen et Cherbourg… par une modernisation du reste (mettons à part le nouvelle Gare de Rouen et le nouveau franchissement de la Seine). (1)
Cela passe aussi par l’invention de nouvelles rames et motrices aptes à faire 250 km/h, pas plus…
Plutôt que d’investir 400 millions d’euros pour acheter 15 rames – motrices T.G.V. afin de maintenir en activités le site de Belfort, l’État (le Gouvernement, en l’occurrence) ne pourrait-il pas aider ALSTOM – et ses concurrents dont les usines sont en France – à mettre au point des trains capables d’atteindre 250 km/h et plus économes en fonctionnement ? Ce que le Mouvement Normand a demandé depuis des décennies et que les ingénieurs ont dédaigné d’étudier, obsédés qu’ils étaient par la Très Grande Vitesse, les records… et le déménagement du territoire.

La Normandie a besoin d’un nouveau modèle ferroviaire, lequel serait sans doute plus exportable que le coûteux T.G.V. et pourrait ainsi donner une certaine visibilité au site de Belfort en lui assurant une certaine pérennité de fabrication.

Didier PATTE, porte-parole et ancien Président du Mouvement Normand


(1) Si la nouvelle Gare de Rouen – Rive – Gauche et, conséquemment, un nouveau franchissement de la Seine ne se réalisent pas… dans les 15 ans à venir, alors il faudrait à nouveau étudier le fameux projet du tracé C de l’enquête du Débat Public – que le Mouvement Normand avait soutenu – qui prévoyait un franchissement ferroviaire au niveau de l’estuaire. La L.N.P.N., dès lors, passerait par Rouen, la rive gauche, le Roumois, l’estuaire d’une part, pour atteindre Le Havre, la direction de Caen, en passant à proximité de l’aéroport de Deauville – Normandie, d’autre part. Bien entendu, le franchissement de l’estuaire devrait se faire par un tunnel… Projet plus coûteux, certes, mais dans deux décennies, l’État et l’économie française seront peut-être sortis du marasme actuel. En tout cas, ce tracé et ce franchissement de l’estuaire par un tunnel seraient plus structurants et… plus normands…        

La Rédaction